QUESTIONS JURIDIQUES

 

L'exécution des décisions de justice


Cet article présente l'état du droit au 1er semestre 1997 en matière d'exécution des décisions de justice. Il fournit un panorama des principales étapes de l'exécution d'une décision du juge judiciaire, en faveur ou à l'encontre de l'État

Cet article a été rédigé par le service juridique et de l'agence judiciaire du Trésor à partir du dossier juridique "Les décisions de justice rendues au profit de l'État ou contre l'État et leur exécution".

Le caractère fondamental de la question de l'exécution des décisions de justice est attesté par des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme qui consacrent le fait que l'exécution d'un jugement ou d'un arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du procès, au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH, 26 septembre 1996, Di Pede c/Italie ; Zappia c/Italie, Recueil des arrêts et décisions, 1996). La Cour rappelle notamment, dans un arrêt récent (CEDH, 19 mars 1997, Hornsby c/Grèce, n° 107/1995/613/701) que l'exécution de la décision rendue fait partie des composantes du " procès équitable ", garanti par l'article 6 pargraphe 1 de la Convention.
Dans cette étude, il s'agit d'abord d'exposer tous les motifs qui pourraient en droit faire obstacle à l'exécution en l'état de la décision (son caractère définitif, ou non, quant au fond du litige, l'opportunité de l'exercice éventuel d'une voie de recours à effet suspensif, ou d'une transaction avec l'adversaire, à ce stade du contentieux). Puis sont abordées les conditions autorisant l'exécution ; enfin, la mise en oeuvre pratique de l'exécution et ses modalités matérielles et juridiques.
L'étude ne porte que sur les conditions et les modalités de l'exécution, volontaire ou forcée, des décisions rendues par le juge judiciaire civil ou par le juge administratif, sans pénétrer dans le domaine de l'exécution des décisions prononcées par le juge répressif en matière purement pénale. Les différentes procédures de saisies ne sont pas détaillées.

Les décisions du juge judiciaire et leur exécution

Les notions communes à l'Etat demandeur et à l'Etat défendeur

A quels critères doit satisfaire la décision rendue pour que l'État l'exécute ou la fasse exécuter à son profit ?

S'agit-il d'une décision qui tranche au fond un point du litige ?
Si la décision rendue est un jugement sur le fond, c'est-à-dire qui vide l'intégralité du litige, son prononcé dessaisit le juge qui l'a rendue. Au contraire, certains jugements ne dessaisissent pas le juge qui peut, le cas échéant, modifier le contenu de sa décision, sans qu'il soit nécessaire d'exercer une voie de recours. Ce sont les jugements avant dire droit ; les ordonnances de référé (art. 484 du nouveau code de procédure civile) et les ordonnances du juge de la mise en état (art. 775 du NCPC) qui dessaisissent partiellement le juge qui les a rendues (Cass. Civ. 2e, 20 novembre 1985, Bull. Civ II, n° 177, p. 118) ; les jugements de donné acte ; les jugements de sursis à statuer.

S'agit-il d'une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée qui, pour être remise en cause, suppose que l'État exerce une voie de recours ?
- Tout jugement contradictoire sur le fond a l'autorité de chose jugée, dès son prononcé : " le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir, ou tout autre incident, a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée, relativement à la contestation qu'il tranche " (art. 480, alinéa 1er, du NCPC).
- Lorsque le jugement rendu n'est plus susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution, il est dit passé en force de chose jugée.
- Enfin, lorsque ce jugement n'est plus susceptible d'aucun recours, suspensif ou non suspensif d'exécution, il est dit passé en force irrévocable de chose jugée. Il a désormais force de vérité légale (art. 1350, 3°) du Code civil) : ce qui a été jugé est tenu pour être la vérité et ne peut plus être remis en cause de quelque manière que ce soit.

Le sens de la décision rendue est-il clair ?
Le juge qui l'a rendu peut interpréter son jugement. L'interprétation d'une décision obscure ou ambiguë par celui qui l'a rendue était une possibilité acceptée depuis longtemps, sans texte, par la jurisprudence. Elle a été consacrée par l'article 461 du NCPC, selon lequel " il appartient à tout juge d'interpréter sa décision, si elle n'est pas frappée d'appel ".
La décision rendue n'est-elle pas affectée d'une omission ou d'une erreur matérielle ?
Une procédure particulière est prévue pour la réparation des omissions ou des erreurs matérielles du jugement. L'article 462 alinéa 1er du NCPC dispose que " les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande ".

La décision rendue statue-t-elle sur tous les chefs de demande ?
Il est possible de faire réparer par le juge son omission de statuer. L'article 463 du NCPC dispose que " la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s'il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens... ".

La décision rendue à laquelle l'État était partie ou dont il a eu connaissance est-elle satisfaisante en droit ?
Il faut alors envisager les voies de réformation de cette décision par une juridiction du degré supérieur ou ses voies de rétractation par le juge même qui l'a rendue.
- Les voies de réformation sont :
.
L'appel qui est une voie de recours ordinaire suspensive d'exécution (art. 542 du NCPC). Il doit être formé, dans le mois suivant la notification de la décision, par la partie qui souhaite l'interjeter (art. 528 du NCPC) sauf pour les ordonnances de référé, pour lesquelles le délai d'appel est de 15 jours (art. 490 du NCPC).
. Le pourvoi en cassation qui est une voie de recours extraordinaire non suspensive d'exécution. Pour que le pourvoi en cassation formé soit recevable, il faut que l'arrêt d'appel ait été exécuté. Lorsque le demandeur ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée de pourvoi, le premier président de la Cour de cassation peut décider le retrait du rôle de l'affaire (art. 1009-1 du NCPC).
- Les voies de rétractation(1) sont :
. L'opposition qui est une voie de recours, dite ordinaire, suspensive d'exécution, ouverte au défendeur contre qui a été rendu un jugement par défaut (art. 571 à 578 du NCPC). Elle remet en question ce qui a été jugé par défaut, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit (art. 572 du NCPC). Un jugement est rendu par défaut, lorsqu'il est rendu contre une partie qui n'a pas comparu ou qui ne s'est pas défendue.
. La tierce opposition et le recours en révision qui sont des voies de recours, dites extraordinaires, qui ne sont pas suspensives d'exécution.

La décision a-t-elle été précédée d'une décision antérieure dont le contenu serait susceptible d'interférer sur son exécution ?
- Si une décision antérieure a été rendue par la juridiction pénale statuant sur l'action publique, et si la solution de la juridiction pénale est contraire partiellement ou totalement à celle de la décision civile, il faut exercer une voie de recours pour obtenir la réformation de la décision civile.
L'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil est absolue. Les décisions pénales au fond qui leur sont antérieures et qui sont définitives, irrévocables, et qui émanent d'une juridiction répressive française, ont autorité sur les actions civiles. Seules ont autorité en l'espèce, les dispositions de nature pénale certaines et nécessaires à l'assiette de la décision rendue par la juridiction répressive de jugement.
- Si une décision d'annulation pour excès de pouvoir a été rendue antérieurement par une juridiction administrative, cette annulation s'imposera et tout jugement la méconnaissant devra être réformé après exercice d'une voie de recours.
La décision d'annulation pour excès de pouvoir rendue par une juridiction administrative est toujours revêtue de l'autorité absolue de chose jugée.
- Si une décision antérieure a été rendue par une juridiction civile et s'il y a identité d'objet, de cause et de parties, l'autorité de chose jugée commande que la solution adoptée soit identique. Dans le cas contraire, il faut exercer une voie de réformation.
L'autorité de la chose jugée au civil sur le civil est relative. L'article 1351 du code civil détermine le caractère relatif de la chose jugée en matière civile : " l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles, en la même qualité ". Si l'une de ces trois conditions fait défaut, l'autorité de la chose jugée ne peut plus être invoquée.

Une transaction est-elle opportune ?
L'autorité de chose jugée ne fait pas obstacle à l'intervention, postérieurement à la décision rendue, d'une transaction entre les parties. Il est possible de transiger sur les voies de recours, même extraordinaires. Après que la décision judiciaire est passée en force de chose jugée, il est possible de transiger valablement sur l'interprétation ou sur l'exécution de cette décision.

La forme de la décision la rend-elle susceptible d'exécution forcée ?
- La décision, pour tenir lieu de titre exécutoire, doit être revêtue de la formule exécutoire. En principe, l'exécution d'un jugement se fait sur présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire. Le texte même de la formule exécutoire résulte du décret du 12 juin 1947, modifié par le décret du 22 décembre 1958 : " En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt (ou ledit jugement) à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis ".
- Toute omission ou erreur sur la formule exécutoire est sanctionnée par la nullité des actes d'exécution. Elle n'entraîne pas la nullité du jugement mais seulement des mesures consécutives d'exécution forcée (Cass. Req. 19 décembre 1866, DP 1867, 1, 440). La nullité vaut, l'omission ou l'erreur ne porterait-elle que sur un seul mot, en raison du caractère sacramentel de la formule exécutoire.


La décision a-t-elle été notifiée ?
Une notification préalable de la décision est en principe indispensable pour procéder à l'exécution.
- La notification des jugements s'effectue en principe par voie de signification, (Art. 651 du NCPC), c'est-à-dire par acte d'huissier de justice. C'est l'article 675, alinéa 1er, qui le prévoit, " à moins que la loi n'en dispose autrement ". La notification des décisions des conseils de prud'hommes et des tribunaux des affaires de sécurité sociale est effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception. Elle est adressée par le secrétariat-greffe de la juridiction (Art. R 516-42 du code du travail et art. R 142-27 du code de la sécurité sociale).
- La notification personnelle et directe à la partie intéressée rend possible l'exécution, en réalisant l'information nécessaire du débiteur. Aux termes de l'article 503 du NCPC, " les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire ". La notification consiste pour une partie à porter la décision à la connaissance de son adversaire ou d'un tiers (art. 651 du NCPC). Cette formalité se justifie par le fait qu'avant d'exposer la partie condamnée au risque d'une exécution forcée, il faut être certain que le jugement est parvenu à sa connaissance de manière officielle. La nécessité d'informer les intéressés personnellement et directement exige que les jugements soient notifiés aux parties elles-mêmes (art. 677 du NCPC). Lorsque la représentation par ministère d'avocat est obligatoire, le jugement doit, en outre, être préalablement notifié aux représentants des parties dans la forme des notifications entre avocats, faute de quoi la notification à la partie est nulle, sans qu'il soit nécessaire de prouver un grief.
- La notification fixe le point de départ du délai des voies de recours. Les délais courent non seulement contre la partie à laquelle est faite la notification, mais aussi contre celle qui l'a effectuée (art. 528, alinéa 2 du NCPC). C'est pourquoi, également, la notification, même sans réserve, n'emporte pas acquiescement (art. 681 du NCPC), celui qui notifie se réservant toujours le droit de former lui-même un recours.
- A peine de nullité, l'acte de notification d'un jugement à une partie doit toujours indiquer, précisément et de manière très apparente, le délai et les modalités d'exercice des voies de recours (art. 680 du NCPC), quelle que soit la forme de cette notification. Ces mentions sont nécessaires, afin de renseigner le destinataire de la notification sur l'étendue de ses droits. L'indication erronée d'un recours à la place d'un autre est une cause de nullité de la notification, même si cette erreur est due à une qualification inexacte de leur jugement par les juges (Cass. Civ. 2ème, 1er avril 1981, GP 1981, 2, 602). Dans ce cas, une telle indication erronée n'a pas pour effet d'ouvrir le recours faussement mentionné (Cass. Com. 2 mai 1977, D. 1978, IR 57). Le défaut de mention ou l'indication erronée d'une mention constituent un vice de forme de l'acte : il faut, pour obtenir la nullité, que le demandeur prouve l'existence d'un grief dû à cette irrégularité formelle.
- La notification par la partie civile de la décision de condamnation sur intérêts civils prononcée à son profit par la juridiction pénale est indispensable pour que la victime en obtienne l'exécution. L'article 707 du code de procédure pénale (CPP) pose en principe que " le ministère public et les parties poursuivent l'exécution de la sentence chacun en ce qui le concerne ", marquant ainsi une dissociation nette entre l'exécution du jugement relativement aux intérêts civils et l'exécution de la sentence pénale proprement dite. La 2ème chambre civile a jugé que " la partie civile qui poursuit l'exécution d'une condamnation prononcée à son profit par les voies et moyens que le code de procédure civile met à sa disposition doit faire notifier le jugement à celui à l'encontre duquel elle l'exécute " (Cass. Civ. 2ème, 15 mars 1995, Bull. Civ. II, n° 88, p. 51).

La décision peut-elle être exécutée ?
- En principe, seul peut être mis à exécution un jugement passé en force de chose jugée. Le jugement est exécutoire à partir du moment où il passe en force de chose jugée, à moins que le débiteur ne bénéficie d'un délai de grâce ou le créancier de l'exécution provisoire (art. 501 du NCPC). La force de chose jugée est définie par l'article 500 du NCPC, qui distingue deux hypothèses selon que le jugement passe immédiatement ou non en force de chose jugée :
. Le jugement qui a immédiatement force de chose jugée, parce qu'il n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution peut être mis à exécution dès sa notification.
. Un jugement susceptible de recours suspensif ne peut être exécuté qu'à l'expiration du délai de recours et si ce recours n'a pas été exercé dans le délai (art. 500, alinéa 2 du NCPC et art. 539 du NCPC).
- Le créancier doit rapporter la preuve du caractère exécutoire de la décision, par la production d'un certificat de non-appel ou de non-pourvoi lorsque le pourvoi est suspensif (art. 504 du NCPC). Ce certificat permet d'établir, par rapprochement avec la notification, l'absence dans le délai, d'une opposition, d'un appel ou d'un pourvoi en cassation lorsque ce pourvoi est suspensif. Ce certificat est délivré par le secrétaire de la juridiction devant laquelle le recours pouvait être formé. Il est donné à toute partie qui en fait la demande. Ce document atteste l'absence d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation ou indique la date du recours s'il en a été formé un (art. 505 du NCPC). Il prouve le caractère exécutoire de la décision dans les rapports des parties entre elles, ainsi qu'à l'égard de personnes qui, par leurs fonctions ou leurs qualités, peuvent mettre le jugement à exécution : par exemple, un séquestre (CA Paris, 17 octobre 1962, D. 1963, 127).
- L'exécution ne peut intervenir que si le jugement constate une obligation susceptible d'exécution. L'obligation doit encore exister : le paiement de l'obligation, la compensation, le précompte sont des modes d'extinction de l'obligation.
- L'obligation doit être exigible
. La prescription du titre exécutoire(2) : la prescription n'a pas pour effet d'éteindre la créance, mais seulement son exigibilité(3). Elle constitue un obstacle définitif à l'exécution forcée. Le droit qui résulte d'un jugement, s'il n'est pas exercé, se prescrit par 30 ans (Cass. Civ. 6 décembre 1852, DP 1853, 1, 50 ; Cass. Civ. 17 août 1864, DP 1864, 1, 370). La décision juridictionnelle de condamnation produit une interversion de la prescription : ainsi, il a été jugé que l'action qui tend au recouvrement d'une créance ayant fait l'objet d'un jugement de condamnation se prescrit par 30 ans, même si cette créance était jusque là soumise à une prescription particulière (Cass. Soc. 7 octobre 1981, Bull. Civ. V, n° 764 ; Cass. Com. 18 octobre 1988, Bull. Civ. IV, n° 281, p. 191). Cette jurisprudence ne vaut que pour un jugement qui se prononce sur le fond de la demande et en l'occurrence n'est opérante que lorsque cette demande a été déclarée bien fondée. En cas de rejet de la demande, l'interruption de la prescription résultant de la citation en justice est regardée comme nulle et non avenue (art. 2247 du code civil). Aucune substitution de prescription ne se produira, si la demande a été écartée par une fin de non-recevoir ou une autre cause d'irrecevabilité qui ne s'opposerait pas à sa reproduction ultérieure. En revanche, s'il y a eu rejet au fond, la question de la prescription est dépassée par celle d'autorité de la chose jugée. Enfin, en cas de jugement d'incompétence, la demande en justice produit un effet interruptif mais c'est la prescription de l'action en justice, attachée à la nature du droit invoqué, qui courra de nouveau une fois la décision rendue.
. Si l'obligation que le jugement prescrit est affectée d'un terme suspensif, les mesures d'exécution forcée ne pourront être entreprises qu'une fois l'échéance arrivée, ou s'il y a eu déchéance du terme.
. Si l'obligation que prescrit le jugement est affectée d'une condition suspensive, l'exécution forcée ne pourra intervenir qu'à partir de la réalisation de cette condition.
. Le délai de grâce : le délai de grâce est accordé par un juge au débiteur en difficulté pour régler les sommes dues à son créancier ou s'acquitter de ses obligations à son égard, compte tenu de ses besoins (art. 1244-1 à 1244-3 du code civil). Il laisse la créance exigible mais suspend les poursuites et en retarde l'exercice à l'expiration du délai accordé, le cas échéant.
- L'immunité d'exécution : L'immunité diploma- tique entraîne pour son bénéficiaire à la fois une immunité de juridiction et une immunité d'exécution. L'immunité de l'État par rapport aux voies d'exécution de droit commun est abordée ci-après (cf. "l'exécution de la décision du juge judiciaire").
- L'exécution forcée n'est possible qu'à certaines périodes de l'année ou de la journée. Le législateur a déterminé les moments où l'exécution est possible.

La décision rendue est-elle susceptible d'exécution sans autres formalités ?
Les jugements étrangers doivent recevoir " l'exequatur " pour avoir force exécutoire en France. Les jugements rendus par les tribunaux étrangers sont exécutoires sur le territoire de la République de la manière et dans les cas prévus par la loi (art. 509 du NCPC). En droit international privé, l'exequatur est une procédure permettant à une décision rendue par une juridiction étrangère de donner lieu, en France, à exécution sur les biens ou à coercition sur les personnes, ceci en vertu d'un jugement rendu par un tribunal français qui accorde, ou non, cette exequatur. La compétence appartient au tribunal de grande instance statuant à juge unique (art. L 311-11, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire). La puissance publique française peut être amenée à prêter le concours de la force publique à un jugement étranger revêtu de l'exequatur par un juge français.
Les différents acteurs de la procédure d'exécution d'une décision de justice émanant du juge judiciaire

Les différents acteurs de la procédure d'exécution d'une décision de justice émanant du juge judiciaire

Rôle de l'autorité représentant l'État en justice
Cette autorité est :
- L'agent judiciaire du Trésor, dans les instances à but pécuniaire, en vertu du principe général de compétence de représentation de l'État devant les juridictions judiciaires qui lui est conféré par l'article 38 de la loi du 3 avril 1955. Ce texte dispose que " toute action portée devant les tribunaux de l'ordre judiciaire et tendant à faire déclarer l'État créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l'impôt et au domaine, doit, sauf exception prévue par la loi, être intentée à peine de nullité, par ou contre l'agent judiciaire du Trésor public ".
- Le ministre du département concerné, hors le champ de compétence de l'agent judiciaire du Trésor. Toutefois, celui-ci peut intervenir, au nom du ministre de l'économie et des finances, en tant que titulaire d'une délégation de signature, en sa qualité de chef de l'un de ses services et dans la limite de ses attributions propres.
Le rôle du représentant de l'État en justice dans l'exécution des décisions juridictionnelles est double :
- L'autorité habilitée pour ce faire assure la représentation de l'État au contentieux avant le prononcé de la décision juridictionnelle et jusqu'à ce que celle-ci passe en force de chose jugée. Elle seule a notamment compétence pour décider valablement de l'exercice des voies de recours et surtout pour acquiescer expressément à la décision de justice, le cas échéant, sans que l'administration représentée, généralement consultée évidemment, n'ait qualité juridiquement pour le faire. (CA Aix en Provence, 25 mai 1988, SARL les Fils de Henri Ramel c/AJT). Elle règle, le cas échéant, les condamnations aux frais de justice (dépens et frais irrépétibles) sur sa propre dotation budgétaire.
- Lorsque le jugement devenu exécutoire prescrit une obligation de faire et que la partie privée perdante refuse d'y déférer, l'autorité représentant l'État en justice introduit éventuellement une instance contentieuse pour obtenir l'allocation de dommages-intérêts de la part de son débiteur récalcitrant et la réparation complémentaire du préjudice subi. Le juge compétent est toujours le juge judiciaire. Toute obligation de faire non exécutée se résout, en effet, sauf cas particulier, en dommages-intérêts, en vertu de l'article 1142 du code civil.

Rôle du ministère représenté
C'est toujours le ministère concerné qui exécute, au sens propre, la décision de justice condamnant l'État. Cette exécution doit se faire en étroite coordination avec le représentant de l'État devant les tribunaux. En effet, en faisant procéder au paiement des condamnations prononcées, le ministre compétent qui manifesterait par là même la volonté non équivoque de l'État de renoncer à l'exercice d'une voie de recours, constitutive d'un acquiescement implicite dans les conditions admises par la jurisprudence en vigueur, engagerait valablement le consentement de l'État au jugement rendu et priverait son représentant au contentieux de la faculté d'exercer ensuite une voie de recours (CA Grenoble, 21 décembre 1977, veuve Reynaud c/AJT).

Rôle du comptable
En cas de condamnation pécuniaire, la règle de séparation des ordonnateurs et des comptables veut que ce soit le comptable du Trésor qui procède au recouvrement ou au paiement des condamnations prononcées. L'agence judiciaire du Trésor ne dispose d'aucune compétence de recouvrement depuis la réorganisation de ses structures en 1993. Elle n'est donc plus en mesure de recevoir des chèques ou autres modes de règlement de la part des débiteurs de l'État, condamnés dans les instances où l'agence est partie. En matière de créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine, c'est le trésorier-payeur général du domicile ou de la résidence du débiteur qui en poursuit le recouvrement (art. 86 du décret du 29 décembre 1962). Un arrêté du 30 décembre 1992 modifié, du ministre du budget, attribue toutefois compétence au trésorier général des créances spéciales du Trésor domicilié à Chatellerault, pour poursuivre les condamnations au remboursement des prestations d'invalidité concédées aux agents de l'État, lorsque les dommages corporels subis sont imputables à un tiers. Seul le comptable est habilité à consentir des délais de paiement aux débiteurs de l'État, lorsqu'il estime que cette solution est préférable à l'exercice de mesures coercitives pour assurer le recouvrement (instruction Comptabilité publique n° 92-14 7-A-M du 1er décembre 1992).

Rôle de l'avocat
Pour l'exercice de son mandat légal de représentation en justice, l'agent judiciaire du Trésor dispose auprès de chaque cour d'appel et de chaque tribunal de grande instance d'avoués et d'avocats nommés par arrêté du ministre chargé du budget. Ces avoués et avocats sont chargés de suivre, d'après les instructions de l'agent judiciaire, les instances auxquelles celui-ci est partie (art. 3 du décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992).

Les solutions spécifiques selon que l'État poursuit ou est condamné

L'exécution de la décision du juge judiciaire au profit de l'État

L'exécution contre une personne privée peut se préparer en cours de procédure par des mesures conservatoires.
Une mesure conservatoire est une mesure d'urgence prise pour la sauvegarde d'un droit ou d'une chose. En principe, bien que les textes ne le disent pas expressément, il est couramment admis que la créance doit porter sur une somme d'argent. La plupart des juridictions décident qu'une obligation de faire ou de ne pas faire ne saurait être garantie par une mesure conservatoire. Pour pallier à la longueur des procédures judiciaires et se prémunir contre un débiteur qui organiserait son insolvabilité, le créancier prévoyant dispose de deux ressources essentielles :
- pratiquer une saisie conservatoire sur des biens corporels (mobiliers, matériels, marchandises) de son débiteur ou sur des biens incorporels, tels que des créances de celui-ci. Cette mesure est destinée à empêcher que le débiteur ne fasse disparaître ses biens et ne les soustraie au droit de gage général de son créancier (cf. art. 2092 du code civil, chapitre III 2-1). Par l'effet de la saisie, les biens sont frappés d'indisponibilité et à moins qu'il n'en possède déjà un, le créancier doit engager une procédure pour obtenir un titre exécutoire, grâce auquel il pourra convertir la mesure conservatoire en saisie-vente.
- prendre une sûreté par la voie d'une inscription provisoire d'hypothèque qui préserve son droit. Puis, une fois en possession d'un titre exécutoire, s'il n'en a pas déjà un(4), le créancier va effectuer une publicité définitive qui consolide sa sûreté. Mais les biens hypothéqués restant aliénables, le créancier hypothécaire dispose d'une droit de suite qui lui permet de suivre l'assiette de sa sûreté en quelque main qu'elle passe. Un tel privilège est rendu possible par le caractère spécial de l'hypothèque, quant à son objet, qui ne grève que certains biens immobiliers spécifiquement désignés dans l'inscription.

Le créancier peut in limine litis demander au juge d'assortir les modalités d'exécution de sa décision d'une astreinte
L'astreinte, si elle est prononcée, permettra au créancier de contraindre le débiteur, par la menace de paiement d'une somme d'argent qui augmente avec le retard constaté, à s'acquitter de l'obligation consacrée juridictionnellement à son détriment, dès lors que cette obligation est définitive.

L'hypothèque des jugements de condamnation
Le jugement lorsqu'il est devenu exécutoire donne à celui qui l'a obtenu, le droit de poursuivre par la force l'exécution de la sentence rendue à son profit. La partie gagnante dispose à cet effet des voies d'exécution prévues par la loi. Pour assurer cette exécution, le jugement confère à celui qui l'obtient une hypothèque sur tous les immeubles de la partie condamnée. Celle-ci revêt une considérable importance pratique car elle permet au créancier chirographaire qui a obtenu confirmation en justice de la réalité de son droit, de le faire exécuter, à un rang intéressant, sur les immeubles du débiteur récalcitrant. Cette hypothèque est dite " judiciaire " par l'article 2123 du code civil qui l'instaure. C'est en fait une hypothèque légale qui s'attache automatiquement par décision du législateur, à tout jugement de condamnation. L'hypothèque légale peut être inscrite sans qu'une hypothèque conservatoire ait été préalablement inscrite. Elle peut même être inscrite indépendamment d'une hypothèque conservatoire antérieure, notamment en cas d'inscription tardive ; elle ne prendra alors rang qu'à sa date et non à celle de l'hypothèque conservatoire.

Les moyens d'incitation ou de coercition de la personne privée
L'astreinte
L'astreinte est une mesure de contrainte s'exerçant sur les biens du débiteur et destinée à vaincre la résistance opposée par ce dernier à l'exécution d'une condamnation. C'est une condamnation pécuniaire accessoire et éventuelle, que le créancier peut obtenir du juge après constatation de l'inexécution de la décision. Elle s'ajoute à la condamnation principale pour le cas où celle-ci ne serait pas exécutée, le cas échéant, dans le délai prescrit par le juge, et tend à obtenir du débiteur, par la menace d'une augmentation progressive de sa dette d'argent, l'exécution de son obligation. L'astreinte peut tendre à garantir le paiement d'une somme d'argent (Cass. Com. 3 décembre 1985, Bull. Civ. IV, n° 286). L'astreinte n'est pas une voie d'exécution. Le paiement de l'astreinte ne libère pas le débiteur de son obligation.
L'exécution forcée
L'administration, pas plus qu'un particulier, ne peut se faire justice elle-même, en dehors de certaines hypothèses très spécifiques (cf. TC, 2 décembre 1902, Sté Immobilière de Saint-Just, S. 1904, 3, 17, note Hauriou, Conclusions Romieu). En revanche, elle dispose des voies d'exécution du droit privé pour faire exécuter la décision de justice obtenue, à l'encontre des particuliers qui sont des débiteurs récalcitrants.
Le créancier, lorsqu'il procède à une exécution forcée sur les biens de son débiteur, n'est pas assuré de recevoir précisément ce à quoi il a droit. Ce type d'exécution n'aboutissant jamais qu'à un prélèvement pécuniaire sur le patrimoine, seul obtient une satisfaction directe et adéquate, le bénéficiaire d'une obligation de somme d'argent. L'exécution forcée des autres obligations vise à obtenir directement la prestation due. Elle ne peut être ordonnée que dans des cas assez limités et en fait, ne se réalise pas toujours.
Le mode d'exécution des obligations en numéraire est la saisie conduisant à la vente forcée des biens du débiteur, le prix obtenu servant à payer les créanciers. Il existe deux types de saisies sur les biens : la saisie-vente sur les biens mobiliers de la partie condamnée et la saisie-attribution sur les créances dont le débiteur dispose entre les mains d'un tiers. Certains biens sont insaisissables.
Même muni d'un titre exécutoire, l'État créancier ne peut procéder lui-même à l'exécution forcée. La charge de procéder à l'exécution forcée incombe aux huissiers et aux agents de la force publique et le ministère public doit " y tenir la main ". Outre les huissiers de justice, les personnes chargées des mesures d'exécution forcée et des mesures conservatoires nécessaires au recouvrement des créances de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics dotés d'un comptable public, sont les agents des services du Trésor public habilités en application de l'article L. 258 du livre des procédures fiscales et désignés aux articles 2, 21 et 22 du décret n° 69-560 du 6 juin 1969 fixant le statut particulier des agents huissiers du Trésor (art. 294 du décret du 31 juillet 1992).
Le ministère public veille à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires (art. 11 de la loi du 9 juillet 1991). Il peut enjoindre à tous les huissiers de son ressort de prêter leur ministère. Il poursuit d'office l'exécution des décisions de justice dans les cas spécifiés par la loi (art. 12 de la loi du 9 juillet 1991).
Le juge de l'exécution connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre. Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires (art. L 311-12-1 du code de l'organisation judiciaire). Il n'a pas compétence pour connaître des demandes tendant à remettre en cause le titre dans son principe, ou la validité des droits et obligations qu'il constate (Cass. Avis, 16 juin 1995, Bull. Civ. n° 9).

L'exécution de la décision du juge judiciaire par l'État
La circulaire du Premier ministre du 9 février 1995, relative au respect des décisions du juge judiciaire reprend les prescriptions de la circulaire du 13 octobre 1988, relative au respect des décisions du juge administratif. Elle rappelle que le respect des décisions de justice par l'administration est une garantie essentielle d'un État de droit, qui doit la conduire, d'une part, à exécuter pleinement les jugements et d'autre part, à n'en interjeter appel qu'à bon escient, c'est à dire sauf enjeu de principe, uniquement si l'atteinte portée par la décision aux intérêts matériels et moraux de l'État a été réelle.

Les prérogatives de l'État, en matière d'exécution
- Les personnes privées ne peuvent opposer la compensation à l'État.
- Le juge judiciaire ne peut(5) adresser des injonctions à l'administration et les assortir d'astreintes que lorsque celle-ci agit dans les conditions du droit privé, à l'instar d'un simple particulier(6) . En revanche, le pouvoir d'injonction et d'astreinte du juge judiciaire vis-à-vis de l'autorité administrative est, hors le cas de la voie de fait, paralysé lorsque la puissance publique se présente devant le juge, dotée des privilèges attachés à sa mission d'intérêt général(7) .
- Les voies d'exécution du droit privé sont interdites à l'encontre des personnes publiques (Cass. Civ. 1ère, 21 décembre 1987, BRGM c/SA Lloyd Continental, Bull. Civ. I, n° 348, p. 249).
- Lorsqu'une personne morale de droit public s'est pourvue en cassation contre une décision la condamnant à verser une indemnité à une personne privée, elle peut saisir le premier président de la Cour d'appel, statuant en référé, aux fins de subordonner l'exécution de la décision à la constitution d'une garantie pour répondre de toutes restitutions et réparations (art. 2 du décret n° 80-367 du 19 mai 1980).

Les règles d'imputation budgétaire
Par circulaire n° B-1-B-98 du 19 octobre 1990, le ministre de l'économie, des finances et du budget a décidé que(8) :
- Si le litige est de nature contractuelle, c'est-à-dire si la responsabilité de l'État résulte d'un marché ou de toute autre forme de contrat passé avec une autre personne publique ou privée, les sommes versées à la suite d'une décision juridictionnelle et les frais annexes éventuels doivent être imputés sur les crédits limitatifs sur lesquels sont financées les dépenses afférentes au contrat.
- Si le litige est de nature extracontractuelle, c'est-à-dire si la responsabilité de l'État n'a pu être prévue et définie à l'avance, les sommes versées à la suite d'une décision juridictionnelle et les frais annexes éventuels doivent être imputés sur des crédits évaluatifs.
- Les règles relatives au contrôle financier s'appliquent à ces dépenses. Les dépenses imputées sur des crédits évaluatifs doivent en outre, faire l'objet d'un rapport d'évaluation annuelle.
La prescription quadriennale (loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968) peut être opposée par l'État à son créancier.

La compétence juridictionnelle pour connaître des mesures d'exécution par l'État ou contre l'État est, en principe, judiciaire
Le juge administratif est incompétent pour connaître des mesures concernant l'exécution des jugements du juge judiciaire (TC, 27 novembre 1952, Officiers ministériels de Cayenne, arrêt dit " Préfet de la Guyane ", Lebon p. 642).

Les moyens du créancier de l'État pour obtenir l'exécution de la décision
- Les moyens non juridictionnels : le recours au médiateur de la République.
L'article 11 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973, modifié par la loi n° 76-1211 du 24 décembre 1976, prévoit, en effet, que " le médiateur ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction, ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle, mais a la faculté de faire des recommandations à l'organisme en cause. Il peut, en outre, en cas d'inexécution d'une décision de justice passée en force de chose jugée, enjoindre à l'organisme mis en cause de s'y conformer dans un délai qu'il fixe. Si cette injonction n'est pas suivie d'effet, l'inexécution de la décision de justice fait l'objet d'un rapport spécial ". Mais la saisine du médiateur n'est pas directe et doit s'effectuer par l'intermédiaire d'un parlementaire.
- Les moyens d'incitation juridictionnels : les intérêts moratoires(9) , simples ou majorés, et les intérêts compensatoires.
Lorsque la condamnation n'est pas exécutée, les intérêts de retard courent jusqu'au paiement. En vertu de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1975, ils sont majorés de 5 points, à partir d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle la décision est devenue exécutoire. En outre, en cas de mauvaise foi, l'État débiteur peut être condamné à des dommages-intérêts compensatoires, dans les conditions fixées par la jurisprudence en vigueur.
- Les moyens juridictionnels de coercition
. La méconnaissance par l'État de l'obligation d'exécuter les décisions du juge judiciaire constitue une illégalité susceptible d'être sanctionnée dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision de refus d'exécuter (CE, 28 décembre 1949, Sté des Automobiles Berliet, Lebon p. 579).
. Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné l'État au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être ordonnancée dans un délai de quatre mois, à compter de la notification de la décision de justice (loi du 16 juillet 1980, art. 1er).

La responsabilité de l'État du fait de l'exécution des décisions de justice

Le juge compétent


Le contentieux de la responsabilité de l'État relativement aux mesures d'exécution des jugements du juge judiciaire, lorsqu'il s'agit de mesures réalisant cette exécution ou qui n'en sont pas détachables, relève de l'ordre judiciaire.
La mise en jeu de la responsabilité de l'État pour violation de la chose jugée, même par le juge judiciaire, est une hypothèse de responsabilité administrative de droit commun qui relève de la compétence du juge administratif.
Toutefois, l'exécution forcée d'un acte réglementaire annulé par le juge de l'excès de pouvoir peut constituer une voie de fait, dont la réparation est justiciable, dès lors, des juridictions judiciaires (TC. 28 février 1952, Dame Veuve Japy c/Kahn, Lebon p. 619).
La méconnaissance par l'État de l'obligation d'exécuter les décisions de justice tant du juge administratif que du juge judiciaire constitue une illégalité susceptible d'être sanctionnée dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir.
D'autre part, l'illégalité commise se double d'une faute engageant la responsabilité de la collectivité publique intéressée et en conséquence de laquelle elle devra réparer le préjudice que son comportement a causé au bénéficiaire de la chose jugée.
La responsabilité est exclue lorsque la personne publique gagnante a fait exécuter une décision exécutoire.
L'inexécution d'une décision de justice par un fonctionnaire ne constitue pas le crime prévu par l'ancien article 114 du code pénal devenu l'article 432-4 du nouveau code pénal) lequel ne vise pas la résistance à l'exécution des décisions judiciaires (Cass. Civ. 1ère, 20 novembre 1963, Bull. Civ. I, n° 504).
La Cour de cassation appliquant les règles du droit public en vertu de sa jurisprudence Giry (Cass. Civ. 2ème, 23 novembre 1956, Trésor public c/Giry, Bull. Civ. II n° 626, p. 407), et à l'instar de ce que décide le Conseil d'État, ne devrait pas considérer le refus d'exécution d'une décision de justice comme une faute personnelle dépourvue de tout lien avec le service, justiciable de sa juridiction.
En cas de refus, explicite ou implicite, de la collectivité publique, la juridiction administrative, sur la demande de la victime, prononcera une condamnation à dommages-intérêts. Il pourra y avoir condamnation à dommages-intérêts autant de fois qu'il y aura de refus d'exécuter. Et, si le juge a des raisons de croire à une persistance du comportement illégal de l'administration, il peut, anticipant sur l'avenir et exerçant en même temps un effet de pression sur l'administration, assortir chaque condamnation de la réserve explicite des droits de l'intéressé à une nouvelle indemnité, si un nouveau refus lui est opposé (CE, 8 février 1961, Rousset, Lebon p. 85). L'intéressé ne doit pas omettre de demander chaque fois l'annulation du nouveau refus qui lui est opposé. S'il arrive que, faute de recours, le refus devienne définitif, le juge lui allouera une indemnité correspondant à une évaluation définitive du préjudice subi (CE, 6 mars 1987, Sola, Lebon p. 806). Un refus d'exécution constitue une faute de service, de nature à entraîner une nouvelle condamnation à des dommages-intérêts compensatoires (CE, 2 mai 1962, Caucheteux et Desmonts, Lebon p. 291).
Le retard dans l'exécution, sous réserve d'un délai " raisonnable ", est aussi fautif. Un délai de 2 ans pour l'exécution d'un jugement d'une juridiction judiciaire a ainsi été jugé fautif (CE, 3 mars 1976, Epoux Renaudin, Lebon p. 131).

La Cour de discipline budgétaire et financière


Une procédure particulière de mise en jeu de la responsabilité des agents de l'État pour inexécution d'une décision de justice est prévue par la loi du 16 juillet 1980, devant la Cour de discipline budgétaire et financière. La loi du 16 juillet 1980 prévoit dans son article 1er III que la responsabilité personnelle des agents de l'État peut être engagée devant la Cour de discipline budgétaire et financière, pour inexécution d'une condamnation pécuniaire prononcée à l'encontre de l'administration.

L'obligation pour l'administration de prêter le concours de la force publique



L'administration a l'obligation de prêter main-forte à la demande émanant d'une partie privée pour exécution, au moyen de la force publique, des décisions exécutoires du juge judiciaire
L'administration étant tenue de prêter le concours de la force publique à l'exécution forcée des décisions de justice, comme le précise la formule exécutoire des jugements, le juge administratif considère que lorsqu'elle est requise pour le faire, elle ne commet jamais un excès de pouvoir en assurant cette exécution, puisqu'il ne lui appartient pas de se livrer à une appréciation du bien-fondé d'une décision juridictionnelle (CE, 28 octobre 1949, Tarbouriech, Lebon p. 446).

Le juge administratif est compétent pour connaître des litiges afférents au concours de la force publique pour l'exécution des jugements du juge judiciaire
Conformément au principe posé par le Conseil d'État dans l'arrêt Couitéas (CE, 30 novembre 1923, Sieur Basilio Couitéas, Lebon p. 789), tout justiciable, nanti d'un jugement judiciaire dûment revêtu de la formule exécutoire, est en droit de compter sur la force publique pour l'exécution du titre qui lui a été délivré. L'octroi, de même que le refus, du concours de la force publique, en vue de l'exécution d'une décision judiciaire, telle que le jugement prescrivant l'expulsion de l'occupant sans titre d'un logement, sont considérés comme détachables de l'exécution du jugement judiciaire. Ils relèvent de la police administrative. En conséquence, c'est au juge administratif qu'il appartient de trancher les problèmes de légalité ou de responsabilité qui se posent, lorsque le concours de la force publique est accordé, comme lorsqu'il est refusé (CE, 3 juillet 1959, Veuve Sablayrolles, Lebon p. 425, Concl. Jouvin). De même, pour statuer sur l'action en responsabilité fondée sur le retard apporté dans l'octroi du concours de la force publique.

La non-exécution des décisions de justice engage la responsabilité de l'État français devant la Cour européenne des droits de l'Homme


L'abstention de l'administration, au-delà du " délai raisonnable ", lequel est apprécié selon des critères voisins de ceux du droit interne, constitue une violation fautive de l'article 6 pargraphe 1 de la Convention, relatif aux exigences du " procès " équitable, entendu dans le sens extensif d'un droit effectif à la justice (CEDH, 23 mars 1994, Silva Pontes c/Portugal, série A, 286-A). Dans un arrêt récent (CEDH, 19 mars 1997, Hornsby c/Grèce, aff. 107/1995/613/701 précité), la Cour estime que " l'exécution d'un jugement ou arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit donc être considérée comme faisant partie intégrante du " procès " au sens de l'article 6 " (pargraphe 40). Consacrant le droit à l'exécution des décisions de justice, l'arrêt Hornsby vient affirmer l'obligation d'exécution desdites décisions par l'administration. Ainsi, la Cour a jugé en ce sens, qu'" en s'abstenant pendant plus de cinq ans de prendre les mesures nécessaires pour se conformer à une décision judiciaire définitive et exécutoire, les autorités nationales ont, en l'occurrence, privé les dispositions de l'article 6 pargraphe 1 de la Convention de tout effet utile " (pargraphe 45). En l'espèce, c'est moins le retard dans l'exécution que le refus d'exécuter que sanctionne la Cour : c'est l'omission de l'administration de se conformer à une décision judiciaire définitive qui est illégale et contraire à la Convention.
La portée de l'obligation d'exécuter les décisions de justice que la Cour européenne impose à l'administration doit être clairement cernée. Une telle obligation signifie également que chaque État partie doit doter son ordre juridique interne des dispositions " légales " pertinentes, pour assurer une exécution effective des décisions de justice par l'administration. La question de la conformité de chaque droit interne avec cette nouvelle interprétation de l'article 6 de la Convention se trouve dès lors posée. Elle suscite deux sortes de réponses.
D'une part, les procédures du droit interne français, telles qu'elles existent aujourd'hui pour garantir l'exécution des décisions juridictionnelles par l'administration apparaissent suffisamment contraignantes pour satisfaire aux exigences, posées par la Cour, de " protection effective du justiciable et de rétablissement de la légalité " (paragraphe 41). Tel paraît être le cas des lois des 16 juillet 1980 et 8 février 1995. En revanche, à elles seules, les procédures d'aide à l'exécution, ou de recours au médiateur, si elles n'avaient pas été complétées par le dispositif légal actuel, auraient été certainement trop respectueuses des prérogatives de l'administration pour être, en tant que telles, jugées satisfaisantes.
D'autre part, l'arrêt Hornsby n'envisage aucune cause d'exonération de l'administration de son obligation absolue d'exécution. Ainsi, en droit interne, aux termes de l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991, portant réforme des procédures civiles d'exécution, l'État est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et autres titres exécutoires. A cet égard, il est donc permis de penser que les solutions consacrées par la jurisprudence Couitéas du Conseil d'État précitée, dont l'administration s'autorise, moyennant indemnisation le cas échéant, pour refuser d'exécuter, en leur prêtant le concours de la force publique, certaines décisions de justice ordonnant l'expulsion de locataires ou d'occupants sans titre, ne seraient pas admises par la jurisprudence de la Cour européenne. Cette dernière a d'ailleurs déjà sanctionné ce comportement d'une administration dans le passé : " tout en ne méconnaissant pas les difficultés pratiques soulevées par l'exécution d'un nombre très élevé d'expulsions, la Cour considère que l'inertie de l'administration compétente engage la responsabilité de l'État sur le terrain de l'article 6 pargraphe 1 " (CEDH, 28 septembre 1995, Scollo c/Italie, série A, 315-C). En interdisant qu'une décision judiciaire " reste inopérante au détriment d'une partie ", l'arrêt Hornsby confirme cette position (pargraphe 40). Le refus d'exécution, quelle que soit la pertinence des motifs invoqués par l'autorité administrative pour fonder son abstention, ne saurait être légal.

Notes

(1) La rétractation consiste pour le même juge à retirer ou à modifier sa décision. La possibilité lui en est ouverte dans les hypothèses indiquées à l'article 481, alinéa 2, du NCPC, qui dispose : " Toutefois, le juge a le pouvoir de rétracter sa décision en cas d'opposition, de tierce opposition ou de recours en révision ".
(2) Il ne s'agit pas de la prescription de l'action qui aurait empêché d'agir en justice mais seulement de la prescription de recouvrement à partir du titre.
(3) C'est ce qui explique, notamment, que l'exécution volontaire d'une obligation prescrite soit assimilée, non à un acte gratuit mais au paiement de ce qui est dû, bien que non exigible et qu'en conséquence soit écartée toute action en répétition de l'indu (Cass. Req., 17 janvier 1938, D. P. 1940.1.57, note J. Chevallier. La validité du paiement n'est même pas affectée par le fait que le débiteur ignorait la prescription de sa dette (Cass. Com. 8 juin 1948, Gaz. Pal. 1948.2.120).
(4) En dispensant de l'autorisation préalable le créancier qui " se prévaut d'un titre exécutoire ", l'article 68 de la loi du 9 juillet 1991 lui reconnaît clairement la faculté de pratiquer une saisie conservatoire ou d'inscrire une sûreté judiciaire à titre conservatoire. En effet, il arrive que celui qui possède un tel titre ait intérêt à utiliser une mesure conservatoire plutôt que de mettre immédiatement en oeuvre une voie d'exécution. Ainsi la personne qui pratique une saisie conservatoire bénéficie d'un effet de surprise, puisque cette saisie est autorisée sans débat contradictoire. De cette manière le saisissant échappe au risque de disparition des biens du débiteur dans le délai qui s'écoule entre la signification du commandement de payer, nécessaire pour exercer une saisie-vente, et les opérations de saisie. Par ailleurs, quand le créancier souhaite faire inscrire une hypothèque, la possession d'un titre exécutoire n'est pas toujours suffisante, l'acte notarié, par exemple, n'emportant pas hypothèque. Aussi, en ce cas, une inscription provisoire d'hypothèque confère-t-elle au titulaire de la créance un avantage que son titre ne lui donne pas.
(5) En dehors des injonctions de procédure ou d'instruction, assorties éventuellement d'astreintes.
(6) Cf. Courrier Juridique des Finances n° 60, décembre 1995, " Les pouvoirs d'injonction et d'astreinte du juge judiciaire à l'encontre de l'administration ",
p. 1 à 4.

(7) Ce qui n'est pas contradictoire avec la compétence d'attribution de l'ordre judiciaire : voir, par exemple, en matière de responsabilité du fait du service public de la justice judiciaire, ou des activités de police judiciaire, ou du fait de la loi du 31 décembre 1957, en matière de substitution de la responsabilité de l'État à celle de ses agents, auteurs d'accidents causés par des véhicules.
(8) Ces règles d'imputation s'appliquent également aux indemnités transactionnelles, y compris celles passées pour l'exécution d'une décision de justice. Ainsi, quel que soit le stade de la procédure de règlement du litige, conciliation ou contentieux, les règles d'imputation des dépenses, pour un type de litige donné, sont identiques.
(9) Cf. dossier n° 3 de la collection des dossiers juridiques de l'Agence Judiciaire du Trésor, mis à jour au 2ème semestre 1996.